poésie sur l'Hiver : barbare saison, voleuse des couleurs du soleil ?
Ode
Plein de colère et de raison,
Contre toi, barbare saison,
Je prépare une rude guerre.
Malgré les lois de l’univers,
Qui de la glace des hivers
Chassent les flammes du tonnerre,
Aujourd’hui l’ire de mes vers
Des foudres contre toi desserre.
Je veux que la postérité,
Au rapport de la vérité,
Juge ton crime par ma haine.
Les dieux qui savent mon malheur,
Connaissent qu’il y va du leur,
Et d’une passion humaine,
Participant à ma douleur,
Promettent d’alléger ma peine.
La Parque, retranchant le cours
De tes soleils bien que si courts,
Rien que nuit sur toi ne dévide !
Puisses-tu perdre tes habits !
Et ce qu’au parc de nos brebis
Peut souhaiter le loup avide
T’arrive, et tous les maux d’Ibis,
Comme le souhaitait Ovide !
Cérès ne voit point sans fureur
Les misères du laboureur
Que ta froidure a fait résoudre
À brûler même les forêts :
Les champs ne sont que des marêts ;
L’été n’espère plus de moudre
Le revenu de ses guérets,
Car il n’y trouvera que poudre.
Tous nos arbres sont dépouillés,
Nos promenoirs sont tous mouillés,
L’émail de notre beau parterre
À perdu ses vives couleurs,
La gelée a tué les fleurs,
L’air est malade d’un caterre,
Et l’œil du ciel noyé de pleurs
Ne sait plus regarder la terre.
La nacelle, attendant le flux
Des ondes qui ne courent plus,
Oisive au port est retenue ;
La tortue et les limaçons
Jeûnent perclus sous les glaçons ;
L’oiseau sur une branche nue
Attend pour dire ses chansons
Que la feuille soit revenue.
Le héron quand il veut pêcher,
Trouvant l’eau toute de rocher,
Se paît du vent et de sa plume ;
Il se cache dans les roseaux
Et contemple, au bord des ruisseaux,
La bise contre sa coutume
Souffler la neige sur les eaux
Où bouillait autrefois l’écume.
lui déchire.
Aujourd’hui mille matelots,
Où ta fureur combats les flots,
Défaillis d’art et de courage
En l’aventure de tes eaux
Ne rencontrent que des tombeaux ;
Car tous les astres de l’orage,
Irrités contre leurs vaisseaux,
Les abandonnent au naufrage.
Mais tous ces maux que je décris
Ne me font point jeter de cris,
Car eusses-tu porté l’abîme
Jusques où nous levons les yeux,
Et d’un débord prodigieux
Trempé le ciel jusqu’à la cime,
Au lieu de t’être injurieux,
Hiver, je louerais ton
ton crime.
Hélas ! le gouffre des malheurs
D’où je puise l’eau de mes pleurs,
Prend bien d’ailleurs son origine :
Mon désespoir dont tu te ris,
C’est la douleur de ma Cloris,
Qui rend toute la Cour chagrine ;
Les dieux qui tous en son marris,
Jurent ensemble ta ruine.
Ce beau corps ne dispose plus
De ses sens dont il est perclus
Par la froideur qui les assiège :
Épargne, hiver, tant de beauté ;
Remets sa voix en liberté ;
Fais que cette douleur s’allège ;
Et pleurant de ta cruauté,
Fais distiller toute la neige.
Qu’elle ne touche de si près
L’ombre noire de tes cyprès ;
Car si tu menaçais sa tête,
Le laurier que tu tiens si cher,
Et que l’éclat n’ose toucher.
Serait sujet à la tempête,
Et les dieux lui feraient sécher
La racine comme le faîte.
Mais si ta crainte ou ta pitié
Veut fléchir mon inimitié,
Sois-lui plus doux que de coutume ;
Ronge nos vignes de muscat
Dont les Muses font tant de cas ;
Mais, à la faveur de ma plume,
Dans ses membres si délicats
.Ne ramène jamais le rhume.
Promène tes aquilons
Par la campagne des Gélons,
Grêle dessus les monts de Thrace ;
Mais si jamais tu réprimas
La violence des frimas
Et la pureté de ta glace
Sur les plus tempérés climats,
Le sien toujours ait cette grâce.
Sa maison, comme le saint lieu
Consacré pour le nom d’un dieu,
Rien que pluie d’or ne possède ;
Ta neige fonde sur son toit
Un sacré nectar qui ne soit
Ni brûlant, ni glacé, ni tiède,
Mais tel que Jupiter le boit
Dans la coupe de Ganymède
Si tu m’accordes ce bonheur
Par cet œil que j’ai fait seigneur
D’une âme à l’aimer obstinée,
Je jure que le Ciel lira
Ton nom qu’on n’ensevelira
Qu’au tombeau de la destinée,
Et par moi ta louange ira
Plus loin que la dernière année
ode contre l'hiver est un poeme de
Théophile de Viau, né entre mars et mai 1590 à Clairac, en Agenais et mort le 25 septembre 1626 à Paris, est un poète et dramaturge français.
Poète le plus lu au xviie siècle, il sera oublié à la suite des critiques des Classiques, avant d'être redécouvert par Théophile Gautier.
2 réponses
- ElidalLv 6il y a 1 an
Bonjour,
L'hiver est loin d'être une saison barbare à mes yeux. C'est au contraire la saison de la paix et du repos qui permet à la nature de se mettre en dormance pour mieux repartir quand les beaux jours reviendront.
Il a neigé,
Il a neigé la veille et, tout le jour, il gèle.
Le toit, les ornements de fer et la margelle
Du puits, le haut des murs, les balcons, le vieux banc
Sont comme ouatés, et, dans le jardin, tout est blanc.
Le grésil a figé la nature, et les branches
Sur un doux ciel perlé dressent leurs gerbes blanches.
Mais regardez. Voici le coucher de soleil.
À l'occident plus clair court un sillon vermeil,
Sa soudaine lueur féérique nous arrose,
Et les arbres d'hiver semblent de corail rose
.François Coppée
Voyez ce camaîeu de gris, n'est-ce pas sublime?
- ?Lv 7il y a 1 an
bonsoir
merci de partager cette longue et belle Ode de Théophile de Viau que je ne connaissais pas
il est vrai que le froid cause énormément de dégâts et surtout en vies humaines... j'aime beaucoup ce que le poète a écrit et décrit... cependant je rejoins @ Elidal que j'embrasse ... il faut avouer que la Nature a besoin de faire une pose... la terre a besoin de l'Hiver pour se reposer et la neige lui apporte des bienfaits insoupçonnés
mais bon... chacun perçoit comme il le sent... fille du Nord jade or l'Hiver j'aime le froid .. quoi que cette année je n'aurais pas froid ☺
et ici des flocons sont tombés en début de semaine et tous les matins c'est tout blanc c'est magnifique et il n'y a pas d'autres superlatifs pour décrire ce coin de paradis blanc
je pense que la neige a pris l'habitude de tomber au mois de novembre
Neige de Novembre
À la veille de l’hiver, un vent glacial, affûté,
Inflexible, soufflant, mugissant, déclencha
Dans les airs, les premières hostilités
En faisant tourbillonner cette poussière blanche
Millier de cristaux sur les branchages,
Offrant à nos yeux leur beauté presque irréelle,
Ignorant les frissons des oiseaux de passage
- " Pauvres plumes s’élançant vers le ciel…! "
Sous le duvet immaculé, les pierres patientent,
Et les dernières fleurs transies sur leur tiges,
Intrépides dans ce froid… encore efflorescentes,
Gardent pour notre plaisir grâce et prestige.
Ni la morsure du gel, ni celle de la bise
Étreignant les pins, ne figent leur sève débordante…
Une douce senteur de résine fraîche et exquise
Répand son parfum aux effluves odorantes.
Malmenés par la bourrasque de neige,
Ô pathétiques arbres grelottants sous les rafales
N’usez pas vos forces qui se désagrègent
- N’étant qu’aux débuts de la saison hivernale;
Des nuées de flocons tombent d’un ciel de cendre
Immobilisant tout dans ce décor blanc,
En jonchant le sol, en ce mois de novembre.
Une douce émotion me saisit cependant…
Copyright© Novembre 2016 Riha de Jade
passe une bonne fin de semaine